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Tchad oriental : MSF sonne l’alarme sur les réductions alimentaires imposées aux personnes réfugiées du Soudan

L’absence de financement durable et planifié de la réponse humanitaire dans les camps expose les personnes réfugiées à des souffrances et des risques sanitaires accrus. Médecins Sans Frontières (MSF) alerte à ce sujet, appelant les bailleurs de fonds à revoir d’urgence leurs politiques de financement.

Alors que la guerre civile au Soudan continue de faire rage et de pousser les gens à quitter le pays, les besoins humanitaires, notamment l’accès à une nourriture suffisante, restent critiques dans les camps de personnes réfugiées de l’est du Tchad. Depuis le début de la guerre, en avril 2023, le pays a accueilli plus d’un demi-million de personnes réfugiées.

« La vie ici est tragique par rapport au Soudan [avant la guerre]. » 

Jimiya, une femme arrivée à Aboutengue avec sa famille en juillet 2023

L’un des camps, Aboutengue, abrite près de 44 500 personnes réfugiées du Soudan dont la majorité sont des femmes et des enfants. Ces personnes sont confrontées à de sévères coupes dans les rations alimentaires et à de mauvaises conditions de vie en raison du manque d’abris adéquats.

« La vie ici est tragique comparée à celle du Soudan [avant la guerre] », explique Jimiya, une femme arrivée à Aboutengue avec sa famille, en juillet 2023. « Au début, nous recevions suffisamment de nourriture, mais les rations ont diminué. Récemment, nous n’avons reçu que du sorgho et de l’huile, qu’il est difficile de cuisiner sans ingrédients frais. Nous n’avons pas assez pour subvenir aux besoins de notre famille, en particulier des enfants. » 

Depuis février, la principale agence humanitaire responsable de l’assistance alimentaire a progressivement réduit les rations. Selon l’agence, l’incertitude en matière de financement a entraîné d’importantes ruptures d’approvisionnement et des retards.

« Nous sommes très attentifs à ces pénuries récurrentes dans les distributions alimentaires », déclare Danielle Borges, coordonnatrice d’urgence pour MSF au Tchad oriental. « Il serait dévastateur qu’une telle lacune dans la réponse humanitaire engendre une crise alimentaire supplémentaire dans ces camps. »

L’isolement géographique du camp, qui est situé dans une zone isolée offrant très peu de moyens de subsistance, accroît la dépendance, pour les personnes réfugiées à cette assistance alimentaire inadéquate.

Sans nourriture suffisante ni soutien financier, les femmes doivent s’enfoncer dans les forêts environnantes pour ramasser du bois de chauffage, qui est l’un des rares moyens disponibles pour gagner de l’argent. Cependant, cette activité comporte de sérieux risques.

« Parfois, lorsque nous sommes dans la forêt, certaines personnes nous menacent en disant que nous n’avons pas le droit de ramasser du bois », raconte Aziza, une femme réfugiée du Soudan, mère de sept enfants, qui se trouve dans le camp depuis juillet de l’année dernière. « Certaines d’entre nous ont même été battues. »

Un fagot de branches sèches se vend pour l’équivalent de 1 à 3 euros sur les marchés informels qui ont vu le jour autour du camp. Faute de ressources et de nourriture, les personnes réfugiées n’ont d’autre choix que de continuer à ramasser du bois pour survivre.

« L’une des rares possibilités de subsistance qui existent pour les femmes du camp d’Aboutengue consiste à ramasser du bois de chauffage dans les forêts environnantes. Elles peuvent ensuite le vendre pour une poignée de livres, faute d’un approvisionnement alimentaire et d’un soutien financier suffisants », explique Atsuhiko Ochiai, responsable de projet de MSF. « Cette activité expose les femmes à des risques de violence, mais elle est devenue si essentielle, qu’elles n’ont pas d’autre choix. Malheureusement, les histoires de femmes agressées dans la forêt se poursuivent. »

Un repas par jour pour survivre

La diminution des portions de nourriture pourrait entraîner une augmentation de la malnutrition, en particulier chez les enfants. « Dans le camp d’Aboutengue, MSF traite chaque mois des centaines d’enfants pour malnutrition aiguë modérée et sévère », prévient Danielle Borges. « Nous craignons que cette situation n’empire si les pénuries alimentaires se poursuivent. »

À Metché, à deux heures d’Adré, la situation est tout aussi alarmante. De nombreuses personnes réfugiées survivent désormais avec un seul repas par jour. Bien que des distributions alimentaires aient eu lieu ces derniers mois à Metché et dans les camps voisins d’Alacha et d’Arkoum, les gens ne reçoivent qu’un faible nombre de calories par portion.

Le centre d’alimentation thérapeutique pour personnes hospitalisées (ITFC) de l’hôpital de MSF à Metché est le service le plus occupé. De janvier à août, le nombre d’enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère avec complications arrivant des camps d’Alacha et d’Arkoum n’a cessé d’augmenter. Juste entre le début août et le mois de septembre, 11 enfants à Metché ont fait face à des rechutes après être sortis de l’hôpital.

« Sans un soutien immédiat et substantiel, nous risquons d’assister à une catastrophe humanitaire encore plus importante dans cette région. » 

Danielle Borges, coordonnatrice d’urgence pour MSF au Tchad oriental

Il est urgent de renforcer le soutien nutritionnel et de trouver des solutions logistiques pour éviter que la situation ne se détériore davantage.

La détresse des personnes réfugiées est aggravée par l’absence de financement durable et planifié de la réponse humanitaire. « Le sentiment qui prévaut est que cette crise est négligée par les principaux bailleurs de fonds », déclare Danielle Borges. « Sans un soutien immédiat et substantiel, nous risquons d’assister à une catastrophe humanitaire encore plus importante dans cette région. »

« Nous avons de la reconnaissance pour l’aide que nous avons reçue des ONG », déclare Jimiya. « Mais nous avons besoin de suffisamment de nourriture, d’abris convenables et d’opportunités de travail pour vivre dignement, comme nous le faisions auparavant. »

Depuis plus d’un an, MSF fournit des soins médicaux essentiels, de l’eau et un soutien en matière d’assainissement aux personnes réfugiées du camp d’Aboutengue. Nos équipes interviennent en offrant notamment des soins pour la malnutrition et en distribuant des biens essentiels comme du savon, des moustiquaires et des jerrycans. Bien qu’elles aient été relogées dans ce camp il y a 14 mois, environ 14 000 personnes réfugiées n’ont toujours pas d’abri convenable et continuent de vivre, dans des structures de fortune, dans des conditions extrêmement difficiles.