Des personnes déplacées arrivent à Tawila. Elles viennent pour la plupart d’El Fasher et des camps environnants, comme Zamzam et Abu Shok. Elles expliquent les principales raisons qui les ont poussées à changer d’endroit : la violence extrême, les bombardements à répétition, la montée en flèche des prix des produits de base et les pénuries alimentaires. Soudan, 2024. © MSF © MSF
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Soudan : afflux massif de gens blessés dans les hôpitaux, alors que la « guerre contre les personnes » se poursuit

Les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) sont situées dans trois régions différentes du Soudan : Khartoum, l’État du Nord-Darfour et celui du Sud-Darfour. Elles ont traité des afflux massifs de personnes blessées lors de la guerre entre les Forces armées soudanaises (SAF) et les Forces de soutien rapide (RSF), qui se poursuit sans grand respect pour la vie des personnes civiles.  

Le 4 février, à Nyala, dans le Sud-Darfour, 21 personnes blessées ont été amenées à l’hôpital universitaire de cette ville, soutenu par MSF, après que les SAF ont frappé une usine d’huile d’arachide, faisant état de 25 morts. Le 3 février, des frappes aériennes ont touché des quartiers résidentiels de Nyala, frappant et détruisant des maisons civiles. Ces frappes ont eu lieu dans l’après-midi, alors que de nombreuses personnes se trouvaient à proximité. Trente-deux d’entre elles auraient été tuées et des dizaines d’autres blessées. Un bon nombre de victimes ont été transportées à l’hôpital universitaire de Nyala.   

Un médecin de MSF y travaillait lorsque les frappes aériennes se sont produites. 

« Les bombardements ont eu lieu près de l’hôpital. Nous avons senti le bâtiment trembler. Lorsque je suis entré dans la salle d’urgence, la situation était horrible. Il y avait du sang partout, certaines personnes souffraient de fractures, d’autres étaient amputées d’un membre. Pendant que je faisais le tour des urgences, j’ai vu deux enfants, l’un de quatre ans et l’autre de deux ans. La gardienne d’une des enfants m’a dit que quatre membres de sa famille étaient morts, sa mère et trois de ses frères et sœurs, et que seuls son frère aîné et son père avaient survécu parce qu’ils étaient au travail. »  

Des personnes civiles ont également été tuées à El Fasher, au Nord-Darfour, théâtre d’affrontements féroces lors des récents mois. Ces derniers jours, les équipes de MSF ont soigné des personnes blessées dans le camp de Zamzam, après l’escalade des combats violents entre les RSF et les SAF et leurs alliés des forces conjointes, qui ont fait de nombreuses victimes. Le 2 février, l’hôpital de campagne de MSF dans le camp de Zamzam a reçu 21 personnes blessées. Plus de la moitié étaient des enfants, qui avaient été blessés alors qu’ils fuyaient Shagra, un village proche d’El Fasher. 

«  La violence continue de ruiner des vies, de rendre plus difficile l’accès aux soins et de mettre en danger le personnel médical. »

Ozan Agbas, responsable des urgences à MSF

L’hôpital de projet de MSF à Zamzam est destiné aux soins pédiatriques et maternels; il n’est donc pas équipé pour prendre en charge les traumatismes nécessitant une intervention chirurgicale. Les seuls services chirurgicaux restants se trouvent à quelques kilomètres, mais les gens ne peuvent pas emprunter la route entre Zamzam et El Fasher en raison des combats en cours et des déplacements de la ligne de front.  

Les gens dans un état critique ont été piégés dans le camp de Zamzam, sans accès aux soins essentiels. Alors que quatre personnes étaient décédées, cinq personnes ont été transférées avec succès à El Fasher le 3 février, où l’hôpital saoudien reste à peu près fonctionnel malgré les attaques incessantes, avec un bombardement de l’installation le 24 janvier, lequel aurait tué 70 personnes.  

Abu Bakr, médecin soudanais travaillant avec MSF au Nord-Darfour. Il est responsable de la mise en place et de l’amélioration des activités de soins hospitaliers. Soudan, 2024. © MSF

Des milliers de personnes fuyant Shagra sont arrivées à Zamzam ces derniers jours, laissant tout derrière elles, en quête désespérée de sécurité. Elles ont raconté à nos équipes les terribles violences qui sévissent dans la région. Environ 60 familles de Shagra ont également atteint Tawila, où MSF gère un programme d’urgence fournissant des soins nutritionnels, pédiatriques et maternels. Elles ont dit à nos équipes que des gens avaient été attaqués et volés alors qu’ils fuyaient le long de la route. 

La violence s’est aussi intensifiée dans l’État de Khartoum depuis le début du mois de février. Le 4 février, lors du bombardement d’Omdurman par les forces de sécurité, des explosions se sont produites à moins de 100 mètres de l’hôpital Al Nao soutenu par MSF. Le ministère de la Santé a fait état de 38 personnes blessées et de six morts, dont une personne bénévole de l’initiative Al Nao, dans le cadre de laquelle des gens se portent volontaires pour aider au fonctionnement de l’hôpital. 

C’est la deuxième fois que l’équipe médicale travaillant à l’hôpital répond à un afflux massif de personnes blessées au cours des derniers jours. Le 1er février, une attaque des Forces de soutien rapide sur un marché a fait 54 morts, selon le ministère de la Santé. Depuis le début de la guerre au Soudan, l’hôpital Al Nao a été touché par des explosions à trois reprises, en août 2023, octobre 2023 et juin 2024.  

« La violence que les RSF et les SAF infligent aux personnes civiles partout au Soudan est tragique et effroyable », a déclaré Ozan Agbas, le responsable des urgences chez MSF. « La violence continue de ruiner des vies, de rendre plus difficile l’accès aux soins et de mettre en danger l’équipe médicale. Nous demandons instamment aux belligérants de protéger la vie des personnes civiles et de les épargner de cette guerre contre la population. »