Des gens arrivent à Goma après avoir fui les affrontements armés dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu. République démocratique du Congo, 2025. © Jospin Mwisha © Jospin Mwisha
PARTAGEZ

République démocratique du Congo : à Goma, une situation chaotique et de nombreuses personnes blessées de guerre

Les combats entre le M23, l’armée congolaise et leurs alliés respectifs ont atteint, cette semaine, le centre-ville de Goma, en République démocratique du Congo (RDC). Les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) ont réorienté une partie de leurs activités pour répondre aux besoins urgents, comme la prise en charge des personnes blessées. Virginie Napolitano, coordonnatrice des urgences chez MSF à Goma, décrit la situation dans la ville.  


Virginie Napolitano

Cette semaine, la situation était très chaotique. Au début, il y a eu des affrontements avec l’artillerie. Nous avons aussi entendu de nombreux coups de feu crépiter dans la ville, tout près des maisons et de nos lieux de travail. Lorsque nous avons enfin réussi à sortir pour aller travailler, nous avons vu des uniformes militaires traîner dans les rues, ainsi que de nombreux obus. Il y avait également beaucoup d’armes dans les rues, dont certaines ont été récupérées par des gens ou des groupes armés.

Nous savons qu’il y a eu beaucoup de pillages dans la ville. De nombreuses réserves d’organisations internationales ont été touchées, notamment celles de MSF. Elles contenaient des fournitures humanitaires, comme des médicaments, qui permettent aux organisations non gouvernementales de travailler, entre autres dans les camps de personnes déplacées. La plupart des organisations humanitaires ne peuvent plus travailler.  

À Goma, des gens transportent des bidons d’eau potable, alors que la ville est soumise à des interruptions de service d’eau. République démocratique du Congo, 2025. © Jospin Mwisha

Une situation chaotique 

Goma compte quelque deux millions de personnes, auxquelles s’ajoutent maintenant plus de 650 000 personnes déplacées par les combats de ces derniers mois ou ces dernières années, qui vivent à proximité de la ville, dans des camps insalubres. MSF ne dispose que d’une très faible réserve de médicaments et a cessé d’intervenir dans ces camps pour le moment, même si nous avons pu nous y rendre jeudi. Certaines équipes de MSF ont réussi à faire des dons aux hôpitaux, notamment en donnant des trousses de soins médicaux, du carburant et de l’eau à l’Hôpital général de référence Virunga de Goma.  

Pendant près d’une semaine, l’électricité a été complètement coupée dans la ville, ce qui a ajouté au chaos général. Goma était coupée du monde, c’était la noirceur totale. L’eau a aussi été coupée et, jusqu’à présent, de nombreuses personnes n’ont pas accès à l’eau potable. Les gens habitant Goma et les personnes déplacées qui ont rejoint la ville pour fuir les combats sont obligées d’aller au lac Kivu pour remplir des bidons d’eau. Heureusement, la Croix-Rouge nationale est sur place. Son travail permet aux gens de chlorer leurs bidons d’eau afin d’éviter la propagation des maladies hydriques, comme le choléra. Malgré ces interventions, nous avons appris le 30 janvier que plusieurs cas de choléra avaient été signalés à Goma. Les équipes de MSF commencent à travailler en soutien au traitement des gens souffrant de cette maladie ainsi que sur l’eau et l’assainissement dans la ville.  

 

C’est le premier jour où les combats se sont calmés. Cela a permis aux personnes blessées, qui étaient restées chez elles et n’avaient pas accès aux soins, de se rendre à l’hôpital.

Avant que les combats n’éclatent dans la ville, les équipes de MSF travaillaient à l’hôpital de Kyeshero, situé dans la partie ouest de la ville, en soutien au ministère de la Santé. Elles s’occupaient des enfants dénutris, dont la plupart venaient des camps de personnes déplacées près de la ville. Nous avons rapidement mis en place un plan pour faire face à un afflux massif de personnes blessées, notamment pour soutenir le travail du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à l’hôpital de Ndosho. L’hôpital est débordé par le nombre de gens qui doivent être soignés.  

Dès le 23 janvier, les premières personnes blessées ont commencé à arriver à l’hôpital ou à être transférées par le CICR. En une seule journée, le 29 janvier, nous avons reçu près de 140 personnes au triage de l’hôpital, dont beaucoup ont été hospitalisées. C’était le premier jour où les combats s’étaient calmés. Cela a permis aux personnes blessées qui étaient restées chez elles et n’avaient pas pu accéder aux soins de se rendre à l’hôpital.  

Au début de l’offensive du M23 sur Goma, nous avons reçu des gens qui étaient principalement blessés par des éclats d’obus. Récemment, les patientes et patients que nous avons traités étaient surtout blessés par balles, y compris par des balles perdues. Il s’agit souvent de personnes qui se trouvaient à proximité des combats et qui n’ont pas pu se protéger, ou d’autres qui ont été blessées alors qu’elles se trouvaient chez elles. Les balles ont traversé les murs en bois de leurs maisons. Nous avons également reçu des gens qui participaient aux combats, des soldats ou leurs alliés.  

Actuellement, la morgue de l’hôpital de Kyeshero déborde de corps. Il y en a près de 40, dont la plupart ne sont pas identifiés. Nous sommes en discussion avec le ministère de la Santé pour essayer d’organiser des enterrements dignes pour ces personnes. Les morgues des autres hôpitaux de Goma sont aussi débordées. Nous savons aussi que la collecte des corps n’est pas terminée et que la Croix-Rouge et la protection civile poursuivent leur travail. Le bilan des morts ne pourra être établi que lorsque les affrontements et les violences urbaines auront complètement cessé et que le travail effectué par la Croix-Rouge sera terminé.  

Nos activités ont été fortement affectées, car nous n’avons pas pu nous déplacer et apporter du matériel médical, des médicaments et de la nourriture pour les patients et les patientes.

Les personnes blessées de guerre

L’hôpital de Kyeshero est débordé par le nombre de personnes blessées, même si les équipes de MSF et du ministère de la Santé font de leur mieux. Habituées à soigner des enfants dénutris, elles se sont retrouvées à soigner des victimes de la guerre après la mise en œuvre du plan pour l’afflux massif de personnes blessées. Dans cet hôpital, nous manquons de médicaments, mais aussi de personnel, notamment de celui spécialisé en chirurgie.  

Une partie du personnel de l’hôpital n’a pas pu venir travailler à cause des combats dans la ville. Les gens qui étaient déjà sur place depuis dimanche ont assuré tous les soins en restant sur place quatre jours de suite, sans pouvoir dormir correctement. Nos activités ont été fortement affectées, car nous n’avons pas pu nous déplacer et apporter du matériel médical, des médicaments et de la nourriture pour les patients.et les patientes.  

Le plus urgent pour MSF est de pouvoir reconstituer au plus vite nos réserves de matériel médical et de médicaments, et de faire venir du personnel spécialisé, notamment pour augmenter les soins chirurgicaux. Un chirurgien et un anesthésiste devraient arriver à Kyeshero le 31 janvier, ce qui nous permettrait d’augmenter les capacités de traitement.  

Le 30 janvier, nous avons pu nous rendre dans des camps de personnes déplacées situés à l’ouest de la ville. Les situations sont assez différentes dans ces camps, mais dans celui de Kashaka, les gens étaient inquiets, entre autres à la suite des nombreux pillages dans la ville.  

D’autre part, cette situation chaotique ajoute au traumatisme de leurs déplacements, puisqu’ils avaient déjà fui les combats entre le M23, l’armée congolaise et leurs alliés respectifs. Les personnes déplacées ne se sentent plus en sécurité. Certaines ont commencé à démonter leurs abris et à quitter les camps dans l’espoir de trouver un peu de sécurité ailleurs. Celles qui restent se demandent si elles pourront rentrer chez elles ou si elles y seront contraintes par les groupes armés.