La Dre Aida Hassouna de MSF, à gauche, soigne Khadija et s'entretient avec la Dre Valentina Shamma, debout à la porte, dans une clinique de l'hôpital Najda al Chaabiya, dans la ville de Saïda, sud du Liban.
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« Quoi que nous perdions, nous reviendrons. »

Témoignages de Saïda, Liban

Les bombardements et les incursions israéliennes dans le sud du Liban ont déraciné d’innombrables familles, dont beaucoup cherchant refuge dans la ville côtière de Saïda. Les équipes médicales mobiles de Médecins Sans Frontières (MSF) se sont rendues dans plusieurs endroits de la ville méridionale, offrant des soins de santé primaires essentiels, des médicaments et un soutien en santé mentale aux personnes déplacées par la violence. Voici quelques témoignages de nos patients et de nos patientes sur place :

Hassan Zeineddine

« Il n’y a rien de tel que de vivre dans sa propre maison, » déclare Hassan Zeineddine, 67 ans, un Libanais déplacé à l’intérieur du pays et souffrant d’hypertension. Lui et sa femme ont fui Kfar Melki, dans le sud du Liban, après les bombardements israéliens à proximité, ne conservant que les vêtements qu’ils portaient sur le dos. « Mes fils sont également déplacés, dispersés dans tout le pays. Cette situation à elle seule est un combat, mais ce que nous vivons est semblable à ce que vit tout le monde. »

Après avoir été déraciné trois fois au cours des récentes escalades, Hassan, un employé à la retraite qui a perdu sa pension et ses économies lors de la crise économique de 2020, se souvient de la récolte des olives et de son lien profond avec la terre qu’il a été forcé de laisser derrière lui. « Il n’y a rien de comparable au sud. Où que nous allions, quoi que nous perdions et quoi qu’on nous offre, nous reviendrons toujours. J’ai vécu l’invasion israélienne de 1982 et je me souviens des frappes aériennes sur les villages du sud. Nous avons regagné notre foyer à l’époque, et nous le ferons encore aujourd’hui. »

Hassan, 67 ans, Libanais déplacé à l’intérieur du pays et souffrant d’hypertension.

Ghazi Abu Zeid

Ghazi Abu Zeid, 45 ans, a été déplacé de Kfar Roumane dans le gouvernorat de Nabatieh de Beyrouth. Après que la zone dans laquelle il avait d’abord cherché refuge a été menacée, il a été contraint de la quitter une nouvelle fois. Auparavant, il a travaillé avec l’organisation Mines Advisory Groups, aidant à retirer les mines terrestres et les bombes à sous-munitions laissées dans le Liban-Sud pendant la guerre de 2006, avant de se porter volontaire auprès des équipes de recherche et de sauvetage de la défense civile libanaise. Ghazi ressent le poids de ne pas pouvoir soutenir ses collègues alors que sa famille compte sur lui. S’adressant à MSF, il a évoqué le parcours difficile qui l’a amené à quitter sa ville natale, à passer 14 heures sur la route avec sa mère de 90 ans à la recherche d’un endroit sûr, sur un trajet qui prend normalement deux heures, et à lutter contre l’incertitude quant à savoir si sa famille aura une maison où retourner.

Ghazi Abou Zeid, 45 ans, reçoit une ordonnance de la Dre Valentina Shamma, une médecin de MSF, dans une clinique de l’hôpital Najda al Chaabiya dans la ville de Saïda, sud du Liban.

Khadija

Réfugiée syrienne et mère de cinq enfants, Khadija a été déplacée de Nabatieh avec sa famille. « Elle est en train de disparaître sous mes yeux, » dit Khadija en montrant sa fille de sept ans qui, selon elle, souffre d’un retard de croissance. Elle décrit les conditions difficiles qui règnent dans le parc de stationnement à ciel ouvert sur le littoral de Saïda où la famille a trouvé refuge. « Nous ne nous sentons jamais propres. Ici, les gens se disputent la nourriture et nous n’avons pas assez d’eau propre pour nous laver. Nous allons à la mer pour nous soulager, mais il y a souvent des hommes à proximité. »

Ses enfants sont aux prises avec divers problèmes de santé et cela lui brise le moral. « Sidra, 13 ans, souffre d’asthme, Hiba, 7 ans, pèse à peine 10 kg et Malak, ma fille de 8 mois, a de la fièvre et de la diarrhée. Je l’allaite chaque fois que je le peux, mais ce n’est pas toujours suffisant, et je ne peux pas nettoyer correctement ses biberons. »

Dans un moment de désespoir, Khadija avoue : « Parfois, j’aimerais que nous soyons restés et que nous mourions dans une frappe aérienne au lieu de vivre comme ça. »

Khadija transmet ses informations à la Dre Aida Hassouna de MSF, à gauche, dans une clinique de l’hôpital Najda al Chaabiya dans la ville de Saïda, sud du Liban.

Um Mohammad

Um Mohammad, réfugiée syrienne de 40 ans déplacée de Qsaibeh, dans le Liban-Sud, a trois filles. Elle avait l’habitude d’entretenir le jardin de son employeur, de l’aménager et de construire des clôtures autour de son terrain. La nuit où elle a fui Qsaibeh, une frappe aérienne s’est dangereusement rapprochée. Elle se souvient avoir rejoint la communauté avec des seaux d’eau pour éteindre le feu, puis son employeur lui a dit qu’il était temps de partir. Elle a emballé des vêtements de rechange pour chacune de ses filles, âgées de 18, 6 et 4 ans, et n’a pris qu’une couverture, laissant sur le sol de sa cuisine les provisions qu’elle venait d’acheter ce jour-là.

Um Mohammad, réfugiée syrienne de 40 ans, déplacée de Qsaibeh, dans le Liban-Sud.

Hala

Hala est une réfugiée syrienne de 24 ans, et mère de trois enfants – Yamen, 2 ans, Rawan, 3 ans, et Razan, 6 ans. Elle a fui la ville côtière d’Adloun, localité du Liban-Sud, au milieu des frappes aériennes et des sirènes d’ambulances. « Nous sommes partis sans rien. Nous nous sommes enfuis sur une moto, mais elle est tombée en panne ici à Saïda. Mon mari est retourné sur place pour récupérer nos affaires, mais tout a été volé. »

Aujourd’hui, la famille dépend de l’assistance pour se nourrir. « Tous mes enfants sont malades et souffrent de vomissements et de diarrhées. Rawan, qui est atteinte du syndrome de Down, recevait une thérapie physique pour marcher et se déplacer. Nous avions bon espoir qu’elle commence bientôt à communiquer verbalement grâce à l’orthophonie, et elle avait fait beaucoup de progrès. Mais aujourd’hui, tout cela a disparu. Elle a besoin de beaucoup de médicaments et est souvent malmenée par les autres enfants parce qu’elle n’est pas capable de s’exprimer. »

Hala, réfugiée syrienne de 24 ans, serre contre elle son fils Yamen de 2 ans; elle est aux côtés de son mari Abu Yamen qui tient sa fille Rawan, 3 ans, et sa fille Razan, 6 ans, près du trottoir où ils dorment, dans un parc de stationnement de Saïda, dans le sud du Liban.

Shams Al Mahmoud, Marimar et Kazem

Réfugiée syrienne, Shams Al Mahmoud, dont le prénom signifie « soleil » en arabe, reste aussi lumineuse et chaleureuse que jamais, malgré les épreuves qu’elle et sa famille ont endurées. Avec ses enfants – Mimar, 24 ans, Mimas, Kazem, 20 ans, et Marimar, 14 ans – Chams a été déplacée de Kfar Roumane et vit désormais dans un parc de stationnement de Saïda, dans le sud du Liban. Avec un sourire attendrissant, elle raconte les moments où sa famille a échappé aux frappes aériennes israéliennes dans la ville où elle s’était établie depuis plus de dix ans, fuyant pendant 12 heures à pied pour finalement trouver une sécurité relative à Saïda. Quelques jours plus tard, Kazem et l’une de ses sœurs ont entrepris un dangereux trajet de retour sur les lieux de leur ancienne maison sur une moto empruntée pour sauver leurs deux chatons, Simba et Mimi. « Nous avons pensé à eux en partant, » dit Marimar en caressant affectueusement l’un des chatons. « Mais les frappes aériennes étaient trop proches. Je suis tellement soulagée que nous ayons pu retourner les chercher. »

Shams, réfugiée syrienne, à gauche, est assise sur des matelas avec ses enfants Kazem, 20 ans, au centre, et Marimar, 14 ans, tenant leurs chatons dans un parc de stationnement de la ville de Saïda, dans le sud du Liban.

Myassar Obeid

Myassar Obeid, mère et aidante originaire de la ville de Marwaheen, située à la frontière sud du pays, a été blessée lors de frappes aériennes à Toura, au Liban-Sud. Elle souffre de multiples fractures au visage et à la main. Le médecin de notre équipe médicale mobile s’est occupé d’elle en nettoyant et en changeant ses bandages et en vérifiant ses points de suture. Myassar, qui souffre d’hypertension, a reçu des médicaments chroniques essentiels de la clinique mobile de MSF, mais elle attend toujours l’intervention chirurgicale urgente nécessaire pour soigner ses blessures. Avec plus de 11 300 personnes blessées et plus de 1,2 million de personnes déplacées dans les bombardements en cours, la pression sur le système de santé libanais dépasse rapidement sa capacité de réponse.

Myassar, mère et aidante de la ville méridionale de Marwaheen, à la frontière libanaise, a été blessée lors de frappes aériennes à Toura, Liban-Sud.

Najah Ashour et ses enfants

Najah Ashour, réfugiée syrienne vivant dans le sud du Liban, a été déplacée une fois de plus avec ses filles – Maya, 11 ans, Lujain, 6 ans, et Sary, 9 mois – après que des frappes aériennes ont touché la ville de Baisariyeh, dans le sud du pays. Elle fait partie des 1,2 million de personnes déplacées par les bombardements israéliens en cours. Si la guerre touche tout le monde, les groupes minoritaires comme les personnes réfugiées syriennes, les personnes migrantes, les personnes âgées et les personnes en situation de handicap sont confrontées à des risques de discrimination et d’exclusion encore plus grands, ce qui limite encore leur accès aux soins de santé et à l’assistance humanitaire.

Najah transmet ses informations au Dr Ali Daher, de MSF, pendant que ses enfants Maya, tenant Sary, 9 mois, et Lujain, 6 ans, l’attendent dans une clinique du centre de soins de santé primaires, à Wadi el Zayni, dans le sud du Liban.