L'équipe de MSF se rend à dos d'âne dans les communautés les plus éloignées pour fournir des soins de santé.
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QUESTIONS ET RÉPONSES: Coordonnatrice des urgences de MSF, une Canadienne nous fait part de l’impact catastrophique de la guerre au Soudan

Ada Yee est coordonnatrice des urgences pour MSF. Canadienne, elle a travaillé dans plus de 17 pays, dont l’Éthiopie, la Syrie, la République démocratique du Congo, Haïti et le Yémen. Récemment rentrée d’une affectation de quatre mois dans la région du Sud-Darfour, au Soudan, elle nous fait part de ses réflexions sur l’impact de la guerre au Soudan.

Dix-sept mois après que la guerre a éclaté, en avril 2023, une crise aux proportions dévastatrices est toujours en cours. Les personnes ont été et demeurent confrontées à d’horribles violences, à des déplacements massifs, à des niveaux critiques d’insécurité alimentaire et à un système de santé poussé au bord du gouffre. 

QUESTIONS ET RÉPONSES

Quel est l’impact de la guerre au Soudan sur les soins de santé, et plus particulièrement sur les activités de MSF? 

Environ 70 à 80 % des installations de santé dans le pays ont été endommagées, détruites ou pillées. Dix-sept mois après le début du conflit, la plupart de ces installations de santé se trouvent dysfonctionnelles ou incapables de fonctionner. 

En raison du conflit et des zones de combat actives, les options en matière de soins de santé sont limitées. MSF a subi des attaques directes contre ses installations, en particulier au cours des trois derniers mois. 

« J’ai vu de mes propres yeux des soldats arriver en voiture chez nous. Mon frère aîné dormait et ils lui ont tiré dessus. Ils ont volé tous nos biens et notre bétail. Ils ont mis le feu à la maison, emprisonnant mon frère à l’intérieur. »

Personne rapatriée à Daguessa, Tchad, août 2023

MSF est confrontée à d’énormes défis, et c’est du Darfour du Sud, où j’étais basée, que je peux le mieux parler, car nous devons faire face à une incroyable bureaucratie. Le conflit sévit dans de plusieurs parties du pays, avec de nombreuses lignes de front actives. Dans un tel contexte, il devient vraiment difficile de faire entrer des personnes ou d’acheminer des fournitures à travers ces lignes et dans les différentes zones. De plus, il n’y a pas suffisamment d’organisations internationales et d’ONG qui peuvent fonctionner et opérer dans les zones où nous nous trouvons. 

« Les bombes tombaient partout et les soldats entraient dans les maisons. J’ai vu beaucoup de personnes mortes. Une bombe est tombée à côté de ma maison. J’ai perdu cinq membres de ma famille, deux femmes et trois hommes. Une bombe est tombée sur leur maison alors qu’ils dormaient. Ils sont tous morts. » 

Personne réfugiée soudanaise, Tchad, juin 2023 

Quel est l’impact de la guerre sur les familles et les communautés? 

Il y a un manque incroyable d’options de soins santé, de nourriture, d’installations et de services en général. Dans certaines régions du Darfour, le réseau de communication mobile est hors service depuis des mois. Le réseau d’eau est en panne, le réseau électrique est en panne. Les infrastructures de base n’ont pas été mises en place depuis le début de la guerre. L’économie va mal; il est difficile pour les gens de gagner leur vie. 

Un grand nombre de personnes ont quitté leur domicile. Elles ont fui le pays ou sont déplacées à l’intérieur du Soudan. J’ai entendu des histoires incroyables de personnes déplacées, qui m’ont dit combien de fois elles avaient été déplacées, et combien de membres de leur famille avaient été tués depuis le début du conflit. 

Quelles sont les lacunes de la réponse humanitaire? 

Dans le sud du Darfour, où j’ai travaillé, de nombreuses ONG internationales sous l’égide des Nations Unies, ainsi que d’autres organisations internationales qui étaient sur place avant le début du conflit, n’ont pas pu revenir. Elles sont limitées par de nombreuses barrières administratives et sont préoccupées par les enjeux de sécurité. Néanmoins, le manque de volonté pour surmonter ces défis est profondément décevant compte tenu des besoins immenses. 

De nombreux facteurs ont conduit à la situation actuelle où peu d’acteurs internationaux apportent une réponse humanitaire ou médicale. Cela rend le travail de MSF incroyablement difficile. Les besoins sont énormes et nous ne pouvons pas tout faire. Il est très difficile de faire des choix sur ce qui est prioritaire, ce à quoi il faut s’attaquer en premier. MSF a plaidé pour que d’autres organisations intensifient leur soutien. 

« La guerre a directement accru les symptômes tels que les troubles du sommeil, la perte d’appétit, les troubles de l’humeur et du stress post-traumatique. Nous voyons beaucoup d’individus dont les proches ont été enlevés ou violés. Ces gens ne mangent plus, ne dorment plus, ne communiquent plus avec les autres. Certains se réveillent la nuit et se mettent à crier, pris dans des cauchemars. C’est la douleur, le traumatisme, la stigmatisation. Ce sont toutes les histoires qu’elles ne sont pas prêtes à raconter. »  

Membre de l’équipe de santé mentale de MSF, avril 2024 

La réponse de MSF au Soudan 

MSF est l’une des rares organisations internationales à travailler des deux côtés du conflit au Soudan. Nous gérons et soutenons actuellement des projets médicaux, dont plus de 20 cliniques et hôpitaux dans 8 des 18 États du pays. Notre équipe regroupe 926 personnes recrutées localement et 118 membres du personnel de la santé recrutés à l’international. MSF offre également des primes à 1 092 membres du personnel du ministère de la Santé.