Janeiro Cassamo, un infirmier de MSF, administre un vaccin contre la polio à un enfant au centre de santé de Palma, à Cabo Delgado, dans le cadre d’un programme élargi de vaccination. MSF soutient le centre depuis qu’une attaque contre la ville a forcé de déplacement de milliers de personnes et accru les besoins médicaux et humanitaires dans la région. Mozambique, 2024. © MSF
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Quand chaque minute compte : les 72 premières heures d’une épidémie

Lorsqu’une vague de choléra frappe, il faut agir vite! Diyani Dewasurendra, spécialiste des maladies infectieuses de MSF, travaille dans un hôpital au Soudan du Sud.

Diyani Dewasurendra
Spécialiste des maladies infectieuses MSF

Toute épidémie commence par des signes avant-coureurs : une augmentation soudaine du nombre de cas, l’apparition de symptômes récurrents et les premières prises en charge de personnes gravement malades. Dans les zones de crise, les maladies infectieuses peuvent se propager à une vitesse fulgurante. Pour contenir leur propagation, chaque minute compte, et les 72 premières heures sont cruciales. Nous devons agir rapidement et de manière stratégique pour prévenir des décès et éviter un désastre.  

En 2023, je travaillais avec Médecins Sans Frontières (MSF) à Malakal, au Soudan du Sud, lorsqu’une épidémie de choléra a frappé.

Les 12 premières heures : signes avant-coureurs et premières mesures

À notre hôpital de Malakal, nous avons soudainement constaté une forte augmentation du nombre d’enfants souffrant de diarrhée sévère. Dans une région où l’accès à l’eau potable est limité, c’est un signal d’alarme. En plus, nous étions en mars, le dernier mois de la saison sèche. Depuis novembre, il n’avait pratiquement pas plu et de nombreuses sources d’eau s’étaient asséchées. Cette région ne reçoit souvent aucunes précipitations entre novembre et mars.  

Nous suspections que c’était le choléra, mais nous devions nous en assurer.  

Nous avons prélevé des échantillons et les avons envoyés au laboratoire. En parallèle, nous avons commencé à recenser le nombre de cas. Dès que les premiers tests se sont révélés positifs pour le choléra, nous avons dû agir rapidement. L’épidémie était désormais officiellement confirmée et chaque minute comptait.  

Dans une région où de nombreuses personnes n’ont pas accès à l’eau potable, une maladie comme le choléra peut se propager très rapidement. L’un des aspects les plus préoccupants est que la seule source d’eau disponible est souvent une rivière dans laquelle les animaux se baignent et s’abreuvent, et où les gens se lavent et boivent. Dans de tels cas, la contamination par les germes peut entraîner des conséquences désastreuses.

Les équipes de MSF, en collaboration avec le ministère de la Santé, apportent un soutien médical essentiel au centre de traitement du choléra de Mattar. Éthiopie, 2025. © Metasebia Teshome/MSF

Entre 12 et 24 heures : mesures d’isolement et de protection

La priorité numéro un est d’empêcher la propagation de la maladie. Nous avons immédiatement mis en place une unité d’isolement pour les cas de choléra à l’hôpital. À Malakal, cela a été particulièrement compliqué, car nous disposions déjà d’une zone d’isolement pour la rougeole. Nous devions nous assurer que les personnes atteintes de ces deux maladies hautement contagieuses n’entrent pas en contact. De plus, nous devions veiller à ce que les autres unités de l’hôpital soient protégées contre l’infection.  

Parallèlement, nous avons mis en place des mesures de prévention. Nous avons installé des stations pour le lavage des mains supplémentaires et organisé des activités de sensibilisation à l’importance de l’hygiène et du lavage des mains.  

Les membres de nos équipes de promotion de la santé ont informé les gens dans les communautés environnantes sur les premiers symptômes du choléra et sur la nécessité de se faire soigner. Le choléra est une maladie diarrhéique grave, particulièrement dangereuse pour les jeunes enfants. Bien que traitable, l’infection peut entraîner la mort en quelques heures si elle n’est pas soignée.

Depuis début mars, en réponse à l’épidémie, les équipes de MSF ont installé une unité de traitement du choléra afin de soutenir les efforts du ministère de la Santé à Akobo, dans l’État de Jonglei. Soudan du Sud, 2025. © MSF

Entre 24 et 48 heures : traitement des malades et identification de la source

Tout en traitant les premières personnes hospitalisées, nous avons également analysé le système d’approvisionnement en eau. Dans de nombreuses régions du Soudan du Sud, il n’y a ni puits ni pompes. Les gens puisent de l’eau dans les rivières ou les étangs, qui sont souvent contaminés.  

Je me souviens d’une situation où, à la suite d’un abattage, des centaines de carcasses de bétail ont été laissées sur les berges de la rivière. Néanmoins, les gens n’avaient d’autre choix que de continuer à boire l’eau de la rivière. Beaucoup ne se rendaient pas compte que cette eau pouvait être dangereuse pour leur santé.  

En collaboration avec l’Organisation mondiale de la Santé et d’autres partenaires, nous avons testé la qualité de l’eau et étudié les sources potentielles de contamination. Nous savions que nous ne pouvions pas nous contenter de traiter la maladie, nous devions aussi empêcher que d’autres personnes ne soient infectées.  

C’est pourquoi nous avons commencé à distribuer de l’eau potable. Dans certains villages, nous avons utilisé des filtres à charbon ou un traitement au chlore pour améliorer l’approvisionnement en eau à long terme. Nous avons également construit des installations sanitaires, dont des latrines.

Des enfants reçoivent le vaccin contre la rougeole dans la clinique mobile de vaccination de MSF à Rokero, au Darfour Central. Soudan, 2024. © Abdulrahman Osman/MSF

Entre 48 et 72 heures : campagne de vaccination et contrôle de l’épidémie

L’objectif n’était plus seulement de ralentir l’épidémie, mais de la freiner. Outre le traitement des personnes déjà infectées, la vaccination constituait la prochaine étape majeure de l’intervention. Le choléra peut être endigué grâce à un vaccin oral, un avantage considérable puisqu’il nous permet de vacciner rapidement et efficacement un grand nombre de personnes.  

Avant de lancer la campagne de vaccination dans les communautés touchées, nous devions d’abord protéger nos équipes médicales. Les médecins, le personnel infirmier et de soutien sont en contact direct avec les patientes et les patients. Recevoir le vaccin est donc essentiel à leur survie. Ce n’est qu’ensuite que nous avons pu commencer la campagne d’immunisation à grande échelle.  

L’éducation a également joué un rôle important. Dans les zones de crise, bien que les gens ne soient généralement pas sceptiques à l’égard des vaccins, ils ignorent souvent tout simplement leur existence. Après avoir expliqué l’objectif et les avantages du vaccin aux premiers groupes, le taux de confiance en la vaccination s’est rapidement accru.

En réponse à une épidémie de rougeole, MSF a lancé une campagne de vaccination en collaboration avec le ministère de la Santé dans la zone de santé d’Ingende, dans la province de l’Équateur. République démocratique du Congo, 2024. © MSF

Agir rapidement peut sauver des vies

Les 72 premières heures d’une épidémie déterminent si elle peut être contenue ou si elle se transformera en catastrophe. Dans le cas de l’épidémie de choléra de 2023, nous avons pu réagir rapidement et limiter le nombre de cas à 1 471. L’intervention a été clôturée le 16 mai 2023, soit 90 jours après son début, parce que les cas avaient considérablement diminué et que l’épidémie avait été maîtrisée.  

Cette épidémie a une nouvelle fois démontré l’importance cruciale du diagnostic précoce, de l’isolement de personnes infectées, de l’identification de la source de l’infection et d’une vaccination rapide. Chacune de ces étapes est essentielle pour prévenir des décès. 

Nous travaillons dans des conditions extrêmement difficiles dans les zones de crise, et l’accès aux vaccins reste l’un de nos outils les plus puissants pour lutter contre les épidémies. Nous ne devons cependant pas oublier que les solutions à long terme, telles que l’accès à l’eau potable, sont tout aussi importantes pour prévenir de futures épidémies.