Paris, France : « Il faut maintenir l’accès aux soins pour les plus vulnérables »
Le 24 mars, Médecins Sans Frontières (MSF) a démarré des activités médicales en région parisienne en vue de soutenir les efforts des soignants face à l’épidémie, mais également pour garantir le maintien de l’accès aux soins pour les personnes à la rue et en situation de grande précarité. Annelise Coury est coordinatrice de projet COVID de MSF dans cette région.
« En région parisienne, nous allons à la rencontre des populations vulnérables deux façons. Pour les personnes à la rue, nous déployons une clinique mobile à proximité des lieux distributions alimentaires cinq jours sur sept, avec une infirmière et un médecin. Nous avons également des équipes mobiles composées d’infirmières qui se rendent dans différents lieux, tels que notamment les gymnases ou hôtels, où les migrants qui vivaient dans le camp d’Aubervilliers (700 personnes) jusqu’au 24 mars, ont été mis à l’abri par les autorités.
L’objectif est d’identifier parmi ces personnes, celles qui seraient porteuses de symptômes du Covid-19, mais aussi tout simplement de maintenir une continuité de l’accès soins de médecine générale pour ces personnes qui sont aujourd’hui privées de nombreux soutiens que les associations leur apportaient avant le confinement.
Malheureusement les gymnases ne sont pas la meilleure des solutions. Par définition, dans ce type d’établissement, il n’y a pas d’espace séparé. C’est parfois impossible d’isoler des personnes qui sont soupçonnées d’être infectées par le coronavirus. Elles devraient être dans des lieux de vie avec des chambres individuelles, qui permettent une distanciation sociale. C’est la demande que MSF et de nombreuses autres associations formulent aux pouvoirs publics.
Depuis quelques jours, une hotline a été mise en place, pour recevoir les demandes de soutien de différents centres d’hébergement collectif, qu’il s’agisse de foyers de travailleurs étrangers, sans-papiers ou SDF. Tous ont en commun d’accueillir des personnes en situation précaires dans des lieux où le confinement et l’isolement des cas suspects n’est pas aisé, voire pas réalisable. Dans chacun des lieux où se déplacent les équipes mobiles, nous essayons, en plus d’apporter des soins médiaux aux personnes, de mettre en place des règles sanitaires simples pour prendre soin des hébergés et du personnel qui travaille dans ces centres, afin que ces lieux ne deviennent pas de nouveaux foyers de contaminations.
A la rue, les personnes viennent nous voir pour des problématiques qui ne sont pas forcément liées au Covid-19 car les structures de soins qui les accueillent habituellement ne sont plus disponibles. Ils peuvent souffrir de problèmes dentaires, dermatologiques, ou encore de petites plaies, ce qu’il ne faut pas minimiser car cela peut prendre une grande importance lorsque l’on vit à la rue et que l’on n’a pas accès à l’hygiène. La problématique de la gale est également présente, surtout dans les centres d’hébergement collectifs où cela peut se répandre.
Il y a aussi un besoin de prise en charge en termes de santé mentale et nous avons d’ailleurs recruté un psychologue qui vient de rejoindre l’équipe. Pour beaucoup de personnes qui ont vécu le parcours de la migration et des traumatismes, cette situation de confinement et d’épidémie peut renforcer leur anxiété.
En plus de ça, un certain nombre de démarches sont actuellement suspendues, comme les demandes d’asile ou les recours, on peut comprendre que cela ait un impact négatif sur leur situation psychique et psychologique. Certains n’ont par ailleurs plus de moyen de subsistance.
Tout cela contribue à déstabiliser davantage ces personnes. Le confinement et la réduction de l’accès aux soins qui en résulte ne seront pas sans impact sur la santé physique et mentale des personnes à la rue. »