Des membres de l’équipe de MSF spécialisée dans la gestion de l’eau et de l’assainissement inspectent les conduites d’eau à Beit Lahia, au nord de la bande de Gaza. Palestine, 2025. © Nour Alsaqqa/MSF
PARTAGEZ

Palestine : l’eau, nouvelle arme de guerre dans les décombres d’un cessez-le-feu rompu

Les autorités israéliennes bloquent l’accès à l’eau, ce qui aggrave les conditions de santé des gens à Gaza

À Gaza, dans les décombres d’un cessez-le-feu rompu et alors que le nombre de morts ne cesse d’augmenter, une nouvelle tactique de guerre se met en place. Les autorités israéliennes bloquent l’accès à l’eau en coupant l’électricité et le carburant, alerte Médecins Sans Frontières (MSF). Tandis que les forces israéliennes déversent une pluie de bombes sur la bande de Gaza, MSF appelle au rétablissement immédiat du cessez-le-feu. Elle demande aux autorités israéliennes à autoriser l’approvisionnement en l’électricité et l’acheminement de l’assistance, notamment du carburant, de l’eau et des équipements d’assainissement, afin de prévenir de nouvelles pertes en vies humaines.  

« Face à une nouvelle vague de bombardements qui a tué des centaines de personnes en quelques jours seulement, les forces israéliennes continuent de priver d’eau les personnes vivant à Gaza en coupant l’électricité et en bloquant l’approvisionnement en carburant, des ressources pourtant essentielles au fonctionnement des infrastructures hydrauliques, notamment des pompes à eau », explique Paula Navarro, coordonnatrice Eau et assainissement de MSF à Gaza. « Pour les gens qui ont subi des bombardements incessants, la pénurie d’eau aggrave les souffrances existantes : beaucoup sont contraints de boire une eau insalubre, tandis que d’autres n’en ont pas assez. »

Des personnes se rassemblent et attendent l’arrivée d’un camion-citerne transportant de l’eau à Jabalia, au nord de la bande de Gaza. Palestine, 2025. © Nour Alsaqqa/MSF

Sans carburant, le réseau d’approvisionnement en eau encore existant s’effondrera complètement. L’accès à l’eau sera presque entièrement coupé, ce qui aura des conséquences désastreuses pour les millions de personnes qui se trouvent dans la bande de Gaza. Outre les blessures et les décès causés par les combats et les bombardements, l’accès à l’eau potable a des répercussions sur les conditions de vie et la santé des personnes. Dans les centres de soins de santé primaires d’Al Mawasi et de Khan Younis, les trois affections les plus courantes traitées par les équipes de MSF (la jaunisse, la diarrhée et la gale) résultent d’un approvisionnement insuffisant en eau potable.  

« Le nombre considérable d’enfants souffrants de maladies cutanées est une conséquence directe de la destruction et du blocus de Gaza », explique Chiara Lodi, coordonnatrice de l’équipe médicale de MSF à Gaza. « En plus de soigner les adultes et les enfants gravement blessés par la guerre, notre personnel traite un nombre croissant d’enfants atteints de maladies cutanées parfaitement évitables, comme la gale. Cette affection est non seulement inconfortable, mais, dans les cas graves, elle amène les enfants à se gratter la peau jusqu’au sang, ce qui peut entraîner une infection. L’impossibilité pour les enfants de se laver les rend vulnérables à la gale et à d’autres infections, laissant des cicatrices durables. »

Une mère palestinienne montre l’état de la peau de son enfant au centre de santé primaire d’Attar, où MSF fournit des soins de santé primaires essentiels aux personnes vivant à Khan Younis. Palestine, 2025. © Nour Alsaqqa/MSF

Même avant les frappes israéliennes du début de la semaine, qui ont mis fin au cessez-le-feu de deux mois, Israël bloquait toute entrée d’assistance à Gaza. En conséquence, les efforts humanitaires pour restaurer le réseau d’approvisionnement en eau de Gaza restent gravement entravés et retardés par le système de préautorisation « à double usage » des autorités israéliennes. La plupart de l’approvisionnement en eau et en équipement d’assainissement nécessitent une autorisation d’entrée. Ces équipements comprennent le chlore, les pièces de rechange essentielles pour les unités de dessalement de l’eau, les générateurs, les pompes de forage et les réservoirs d’eau.  

« Les restrictions imposées par les autorités israéliennes ont rendu quasiment impossible le rétablissement d’un système d’approvisionnement en eau fonctionnel », explique Paula Navarro. « La production d’eau dépend de l’énergie, mais les nouveaux générateurs de plus de 30 kilowatts ne sont pas autorisés à entrer. Nous devons fabriquer des générateurs […] en récupérant des pièces de l’un pour en réparer un autre. »  

MSF continue d’appeler les autorités israéliennes à lever le siège inhumain sur Gaza, à respecter le droit international humanitaire, à assumer ses responsabilités en tant que puissance occupante, et à garantir un accès immédiat et sans entrave de l’assistance dans la bande de Gaza.


La crise de l’eau à Gaza en un coup d’œil 

  • Même avant les dernières attaques, la crise de l’eau à Gaza était déjà grave en raison des coupures d’électricité et d’eau par Israël et de la destruction des infrastructures. Elle s’est aggravée après que les autorités israéliennes ont interdit l’accès de l’assistance à Gaza le 2 mars et coupé l’électricité le 9 mars. La principale usine de dessalement de Khan Younis a réduit sa production de 17 millions à 2,5 millions de litres par jour.  
  • De janvier à février 2025, les équipes de MSF ont mené plus de 82 000 consultations de soins de santé primaires. Près d’un cinquième de ces consultations concernaient des affections liées au manque d’eau et d’hygiène, notamment des infections du cuir chevelu et des affections cutanées telles que la gale.  
  • Entre janvier et la mi-mars 2025, MSF a produit plus de 2 millions de litres d’eau potable et en a distribué plus de 36 millions. Depuis le cessez-le-feu, MSF a commencé à distribuer de l’eau dans le nord de Gaza, y compris dans le camp de Jabalia, où l’assistance était bloquée depuis des mois.  
  • De janvier 2024 à début mars 2025, sur les 1 700 articles relatifs à l’eau et à l’assainissement demandés par MSF dans le cadre du système « à double usage », seuls 28 % ont été approuvés par les autorités israéliennes. De nombreux articles sont bloqués dans les méandres de la bureaucratie, la réponse des autorités prenant en moyenne 60 jours, voire plus de 200 dans certains cas. Même les approvisionnements approuvés peuvent encore être refusés aux postes frontaliers. Par exemple, en novembre 2024, les autorités israéliennes ont approuvé une unité de dessalement de MSF après 85 jours d’attente. Cependant, depuis le 5 février, malgré des tentatives hebdomadaires, l’unité n’est toujours pas entrée à Gaza, car les camions qui la transportent continuent d’être refoulés à la frontière.