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MSF demande aux responsables politiques de défendre les principes d’humanité 

Recommandations aux partis politiques canadiens en vue des élections fédérales de 2025

24 mars 2025  

Le 28 avril, les Canadiens et les Canadiennes devront voter lors des élections fédérales qui se dérouleront dans une période de grands bouleversements à l’échelle internationale. Les membres du gouvernement qui seront alors élus décideront de la manière dont le Canada répondra à un monde qui connaît des niveaux alarmants de conflits et de crises, et où la vie, la sécurité et la dignité de centaines de millions de personnes sont menacées.   

Les Canadiens et les Canadiennes voteront à un moment où le système humanitaire international est confronté à un assaut sans précédent qui touche son personnel, son financement et son existence même.  Pourtant, une part importante du monde dépend de ce système d’assistance humanitaire pour prévenir les souffrances catastrophiques et les pertes de vies humaines face aux crises qui touchent de nombreux pays à travers le monde. 

Depuis des décennies, le Canada joue un rôle essentiel dans les efforts déployés à l’échelle internationale pour atténuer les souffrances lors des urgences humanitaires. Il l’a fait non seulement en tant que donateur, mais aussi par sa diplomatie et sa volonté de défendre la dignité humaine et les principes humanitaires fondamentaux, lorsque ceux-ci sont attaqués. Le Canada possède également un secteur des technologies médicales de classe mondiale. Ce dernier assure au pays la capacité de fournir les médicaments et les vaccins dont les communautés ont besoin pour aider à prévenir les pires conséquences des crises sanitaires.  

L’impact du Canada dépend toutefois des choix que font les membres de la classe politique. C’est pourquoi Médecins Sans Frontières (MSF) demande à ces dirigeants et dirigeantes de défendre, en ce moment historique, les principes d’humanité. MSF leur demande de veiller à ce que le prochain gouvernement du Canada accorde la priorité aux besoins des personnes les plus vulnérabilisées de la planète, tant au pays qu’à l’étranger.  

Médecins Sans Frontières (MSF) est une organisation humanitaire internationale d’assistance médicale qui répond aux urgences dans plus de 70 pays. Nous sommes aux premières loges pour constater les impacts des crises et les souffrances qu’elles causent. Nous voyons également la différence que peuvent faire les Canadiens, les Canadiennes et les membres de leur gouvernement pour réduire ces souffrances.   

Avant que n’aient lieu les prochaines élections, MSF a transmis aux partis politiques fédéraux du Canada les recommandations humanitaires suivantes, afin de souligner les actions spécifiques que tous les membres de la classe politique devraient exiger du prochain gouvernement du Canada. 

1. Agir pour protéger les personnes touchées par les conflits et les crises

Les organisations humanitaires comme MSF existent pour soulager la souffrance des personnes touchées par les urgences et les crises. Toutefois, les organisations humanitaires ne peuvent pas arrêter les guerres. Nous ne pouvons pas non plus, à nous seuls, prévenir les nombreux facteurs qui entraînent des niveaux alarmants de déplacement, de malnutrition et de mortalité dans les endroits où nous travaillons. Nous ne pouvons pas non plus demander des comptes à ceux et celles qui agissent en violation du droit international humanitaire (DIH) ni gérer seuls des épidémies mondiales qui font des millions de morts et qui coûtent des milliards. Ce sont là des problèmes politiques, qui exigent des solutions politiques de la part des gouvernements qui contrôlent les outils nécessaires pour relever efficacement ces défis.  

Par conséquent, le Canada doit utiliser son pouvoir diplomatique et politique pour veiller à ce que le monde réagisse efficacement aux crises internationales. Dans le cadre du conflit en cours au Soudan, par exemple, même l’aide disponible a été bloquée à plusieurs reprises par les parties belligérantes, ce qui constitue une violation du droit international humanitaire. Le Canada doit s’engager activement avec les autres membres de la communauté internationale pour mettre fin à ce type de violations, les prévenir et y remédier.  

Le Canada peut également user de son influence en Haïti, pour s’assurer que les forces de sécurité protègent et respectent l’espace humanitaire dans lequel MSF travaille. Le Canada devrait également renouveler sa stratégie en faveur des membres de la communauté rohingyas, l’une des minorités les plus persécutées au monde et envers laquelle il s’est montré solidaire. 

Les réponses humanitaires à travers le monde dépendent fortement du financement, par les gouvernements, de l’assistance internationale. Sans ce financement, de nombreuses personnes confrontées à des situations d’urgence humanitaire n’auraient nulle part où aller pour obtenir de la nourriture, de l’eau, un abri ou des soins de santé essentiels. Pourtant, les budgets d’assistance sont en baisse partout, alors même que les besoins augmentent. Cela est particulièrement manifeste depuis les sombres coupes opérées récemment par les États-Unis, le Royaume-Uni et d’autres grands donateurs internationaux.   

Médecins Sans Frontières (MSF) n’est pas directement touchée par les coupes budgétaires qui affectent l’assistance internationale. En effet, plus de 97 % de son financement provient de dons privés. Nous continuerons donc à fournir des soins médicaux humanitaires d’urgence dans des endroits où d’autres ne peuvent pas le faire. Mais nous ne pouvons pas à nous seuls combler toutes les lacunes, et nous savons que sans un renversement de cette tendance à la baisse du financement, beaucoup plus de personnes risquent de mourir dans les contextes de crise qui sévissent à travers le monde.  

Le prochain gouvernement du Canada doit donc continuer à augmenter son soutien financier au système humanitaire international, comme il l’a fait dans son dernier budget fédéral. Il est essentiel que le Canada rappelle au monde que la réponse aux besoins humanitaires doit être une priorité fondamentale pour tous les membres de la communauté internationale. Des millions de vies sont en danger immédiat, et beaucoup ont déjà été perdues.   

2. Agir pour les personnes menacées par des épidémies à travers le monde 

Médecins Sans Frontières (MSF) sait par expérience que les épidémies peuvent se propager rapidement si elles sont négligées. Le Canada a donc intérêt à défendre la santé des gens à travers le monde.  Voici comment le leadership du Canada peut faire la différence. 

MSF répond régulièrement à des épidémies de maladies telles que la maladie à virus Ebola, les maladies à virus Marburg et la fièvre de Lassa. Trop souvent, nous manquons de vaccins, de traitements et de tests diagnostiques pour empêcher la propagation de ces maladies. Bien que des solutions prometteuses pour les prévenir, les enrayer ou les soigner aient déjà été mises au point dans des laboratoires canadiens, leur développement a été retardé ou carrément bloqué en raison d’un manque d’investissements publics ou privés. Ces investissements sont en effet essentiels pour tester, approuver, fabriquer et mettre ces médicaments ou vaccins à disposition dans les endroits où les épidémies se déclarent.  

Le Canada peut se faire le champion de l’accès équitable aux médicaments et aux vaccins tout en réexaminant la manière dont il finance la recherche et le développement de médicaments essentiels. Le prochain gouvernement du Canada devrait prendre des mesures décisives et mettre en œuvre des politiques fédérales pour s’assurer que, lorsque des fonds publics canadiens financent le développement de nouveaux médicaments, la santé et l’accès des personnes sont prioritaires par rapport aux profits des sociétés pharmaceutiques. Le gouvernement canadien doit adopter une politique qui assortit les financements fédéraux de conditions garantissant que les médicaments et les vaccins développés grâce aux fonds publics canadiens soient abordables et accessibles pour les Canadiens, les Canadiennes et toutes les personnes qui en ont besoin à travers le monde. 

Après la pandémie de COVID-19, le gouvernement canadien a réalisé des investissements considérables dans la production pharmaceutique nationale. Il a notamment construit le Centre de production de produits biologiques (CPPB) et l’installation de fabrication de matériel pour les essaiss clinique (IFMEC), tous deux situés à Montréal et appartenant à l’État. Toutefois, depuis leur achèvement, ces installations fédérales sont restées pratiquement inactives.   

Le CPPB et le IFMEC devraient pourtant être utilisés. Lorsque ces installations ne sont pas utilisées pour répondre à des urgences sanitaires, elles devraient produire des médicaments de grande valeur pour la santé publique, mais de faible attrait commercial, ceux-là justement qui ont été négligés par des sociétés pharmaceutiques motivées par le profit. Il s’agit ici des médicaments nécessaires pour lutter contre les épidémies de maladies comme Ebola, Marburg et la diphtérie, qui touchent principalement les pays à revenu faible et intermédiaire qui luttent pour accéder à des produits de santé à un prix abordable.   

Le Canada peut combler ces importantes lacunes. Il devrait notamment utiliser ses installations publiques pour soutenir le développement et la production de produits comme les thérapies par anticorps monoclonaux pour Ebola et la diphtérie. Il doit en outre les mettre à la disposition des stocks mondiaux, des ministères de la Santé et des organisations humanitaires, gratuitement ou sur la base du recouvrement des coûts.   

3. Agir pour assurer les soins de santé sexuelle et génésique partout à travers le monde 

Un nombre disproportionné des personnes que soigne chaque année MSF dans le cadre de crises sanitaires et humanitaires internationales sont des femmes et des enfants. Fréquemment, ce sont les femmes et leurs enfants qui endossent le poids des conflits, des déplacements, des épidémies et d’autres situations d’urgence. Les femmes en particulier sont confrontées à des défis spécifiques liés à la santé maternelle, notamment dans les contextes humanitaires, et sont également beaucoup plus exposées aux violences sexuelles et basées sur le genre (VSBG).  

En tant que principal contributeur aux systèmes internationaux de santé et de réponse humanitaire, le Canada devrait s’engager à nouveau à agir pour protéger les besoins de santé des femmes et des enfants dans les zones de crise. Il devrait, pas la même occasion, respecter les principes mêmes qui l’ont conduit à adopter, sous le dernier gouvernement libéral, une politique féministe d’assistance internationale, et l’initiative de Muskoka, sous l’ancien gouvernement conservateur. Ces deux initiatives ont placé la santé des femmes et des enfants, et en particulier la santé maternelle, néonatale et infantile, et la santé sexuelle et reproductive, au centre de la politique d’aide internationale du Canada. 

Le prochain gouvernement canadien devrait poursuivre cette approche. Que ce soit par des versions révisées de ces outils et des politiques préexistantes, ou par l’introduction de nouvelles politiques visant à maintenir l’engagement de longue date, le Canada doit continuer de répondre aux impacts des conflits et des crises sur certains des membres les plus vulnérabilisés de la société mondiale.  

Le Canada doit également continuer à accorder la priorité aux besoins en matière de santé sexuelle et reproductive lorsqu’il décide, chaque année, de l’affectation de ses fonds d’aide humanitaire. Ces dernières années, le Canada a toujours accordé la priorité au financement d’activités dans les situations de crise humanitaire qui comprennent des programmes tenant compte de l’égalité entre les hommes et les femmes. Il doit poursuivre sur cette voie, en mettant l’accent sur les besoins en matière de santé sexuelle et génésique.  


Pour obtenir plus de détails, et pour lire ces recommandations dans leur intégralité, consultez les Recommandations politiques 2025 de MSF pour le prochain gouvernement du Canada.

Nous pensons que soulager les souffrances des personnes rendues vulnérables par les crises et les conflits est un impératif fondamental et une responsabilité qui incombe à tous les membres de la communauté internationale. En tant qu’organisation humanitaire internationale d’assistance médicale d’urgence indépendante et principalement financée par des fonds privés, Médecins Sans Frontières (MSF) s’efforce d’apporter des soins médicaux aux personnes confrontées aux situations de crises parmi les plus graves et les plus complexes au monde. Mais nous ne pouvons agir seuls. Nous avons besoin que des gouvernements, comme celui du Canada, défendent les principes d’humanité et placent les priorités humanitaires au centre de leur politique intérieure et étrangère.  

Pour que les besoins humanitaires deviennent un enjeu majeur des prochaines élections fédérales canadiennes, nous vous invitons à partager ces recommandations à travers vos réseaux et à dire aux politiciens et aux politiciennes qui sollicitent votre vote que les responsabilités humanitaires du Canada sont importantes.