« Ma ville est en feu » : MSF prête assistance aux personnes fuyant Kurakhove
La journée de travail à la clinique mobile de Médecins Sans Frontières (MSF) à Pavlohrad, dans l’est de l’Ukraine, est presque terminée. Le Dr Oleksandr Hontariev est en train de compter les boîtes de médicaments et de se préparer pour la soirée, lorsqu’une personne bénévole entre en courant dans la pièce. « Nous avons des gens blessés. Pouvez-vous les aider, s’il vous plaît? », demande celle-ci.
Le Dr Hontariev enfile de nouveaux gants médicaux et sort rapidement. Notre clinique mobile est installée dans un centre communautaire, transformé en centre de transit pour les personnes déplacées de force de la région de Donetsk, l’oblast voisin. Plusieurs grands autobus sont arrivés à l’extérieur du centre, chacun affichant un panneau indiquant « Évacuation ». Dans les bus se trouvent des gens de Kurakhove, qui viennent de faire un voyage de plus de quatre heures pour atteindre la sécurité relative de Pavlohrad.
Une femme âgée est assise dans un fauteuil roulant à côté de son mari. Son visage est couvert de petites égratignures et elle pleure. Son mari se penche vers elle et lui murmure quelque chose à l’oreille, essayant de la réconforter. « Mon frère est sous les décombres », répète-t-elle encore et encore.
Le Dr Hontariev soigne sa blessure au bras avec les premiers soins en traumatologie avant de passer à d’autres personnes. Deux blessés, un père et son fils, attendent dans un véhicule.
« Le plus âgé souffre de brûlures et de blessures par éclats d’obus au dos et au tibia », explique le Dr Hontariev. « Il a été blessé il y a quatre jours et ce n’est que maintenant qu’il a pu obtenir de l’aide. Ces brûlures surviennent lorsque du métal chauffé entre en contact avec le corps. Les débris ont brûlé ses vêtements et l’ont blessé au dos ».
Les équipes de MSF rencontrent fréquemment des gens souffrant de blessures similaires causées par des mines ou des explosions qui se sont produites quatre ou cinq jours plus tôt. Les bombardements constants retardent les évacuations et empêchent les personnes blessées d’accéder rapidement à des soins essentiels. Au cours des deux dernières semaines, 25 % des gens traités au centre de Pavlohrad par les équipes de MSF ont été blessés par des explosions qui ont frappé leur maison.
Le Dr Hontariev finit de soigner les blessures des personnes nouvellement arrivées. Une ambulance s’approche et son équipe continue de soigner les blessés, pendant que des bénévoles aident les gens à s’installer.
Les délais d’évacuation sont synonymes de blessures non soignées
Dans l’ancienne salle de réunion du centre communautaire, les chaises destinées au public ont été enlevées. Des dizaines de lits jalonnent la salle, y compris sur la scène. La plupart d’entre eux sont occupés. La pièce est faiblement éclairée, seuls des radiateurs infrarouges brûlent dans les coins. Certaines personnes écoutent de la musique sur leur téléphone, à peine audible dans cette grande pièce aux plafonds hauts.
Les gens de la région de Donetsk séjournent ici, au centre de transit de Pavlohrad, avant de partir vers l’ouest de l’Ukraine ou à l’étranger. Beaucoup viennent de Kurakhove et des villes et villages voisins. À mesure que la ligne de front se déplace avec l’offensive continue des troupes russes et que les conditions de vie se détériorent, les gens n’ont d’autre choix que de quitter leurs maisons. Dans ces villes, les magasins, les pharmacies et les hôpitaux sont fermés. Malgré cela, les bombardements incessants rendent l’évacuation extrêmement difficile.
Mme Yelyzaveta, 83 ans, se repose sur son lit au centre de transit. Elle vient du village de Dachne, près de Kurakhove. Tous ses documents et son argent ont brûlé avec sa maison.
Elle se souvient que, pendant les bombardements continuels, elle cherchait quelque chose pour se distraire.
« J’étais assise avec mon voisin sous un pommier, les obus nous volaient au-dessus de nous. Je me suis dit : “Pourquoi sommes-nous assis là, comme si nous attendions la mort?”, raconte Mme Yelyzaveta. “Nous devons faire quelque chose”. Alors, je suis allée balayer les feuilles dans la cour. » Peu après, une explosion s’est produite près de sa maison, déclenchant un incendie. Elle et son fils ont réussi à s’éloigner de leur maison en flammes.
« La maison était en feu, nous ne pouvions pas y retourner », explique Mme Yelyzaveta. « Les maisons voisines ont été coupées en deux par les bombardements, mais la nôtre a pris feu. » Le fils de Mme Yelyzaveta ayant refusé d’évacuer, elle est venue seule au centre de transit. Elle espère pouvoir partir bientôt et rejoindre sa famille à Poltava, dans le centre de l’Ukraine.
Les besoins augmentent chez les personnes aînées ou atteintes de maladies chroniques
À la clinique mobile du centre, l’équipe de MSF a vérifié la tension artérielle et la glycémie de Mme Yelyzaveta et lui a donné des médicaments. Nos médecins et nos psychologues travaillent ici chaque semaine et voient jusqu’à 50 individus par jour.
« Il s’agit surtout de personnes âgées ou handicapées, donc elles ont souvent des maladies sous-jacentes ou des complications », explique le Dr Hontariev. « Elles souffrent d’hypertension, de maladies cardiaques, de diabète. Beaucoup d’entre elles viennent nous voir avec des maladies respiratoires, parce qu’elles sont restées longtemps dans les sous-sols pendant les bombardements. Les personnes souffrant de blessures légères sont aussi fréquemment amenées ici. »
L’histoire d’un patient est restée gravée dans l’esprit du Dr Hontariev. « L’homme était dans la rue lorsque l’attaque a commencé », raconte-t-il. « Il s’est réfugié dans le sous-sol de la maison de quelqu’un d’autre et a dû y passer deux semaines avant de pouvoir évacuer. Pendant tout ce temps, il n’a mangé que les légumes en conserve qui se trouvaient dans la cave. Il est arrivé chez nous avec une pneumonie bilatérale. »
Offrir un soutien psychologique aux personnes survivantes
L’un des patients raconte au médecin que son fils a disparu. Après son examen médical, la Dre Violieta Kozhukhovska, une psychologue travaillant avec notre équipe de la clinique mobile, est venue lui parler. Tous deux trouvent un endroit calme dans le centre de transit pour se parler.
« Cet homme a une sœur, mais il ne peut pas la contacter », explique la Dre Kozhukhovska. « Son téléphone a brûlé dans l’explosion de sa maison et il ne se souvient pas de son numéro. Je lui ai conseillé d’essayer de la retrouver par le biais des réseaux sociaux. »
La plupart des patientes et des patients évacués, dit-elle, sont maintenant dans un état de stress aigu. « À ce stade, la tâche des psychologues consiste à intervenir en cas de crise, c’est-à-dire à les écouter sans poser de questions inutiles afin de ne pas les traumatiser à nouveau », explique la Dre Kozhukhovska. « Il est important que les gens puissent s’exprimer ».
Les personnes qui arrivent au centre de transit ont souffert de la perte de leurs proches, et leurs maisons leur manquent. Mais elles peuvent trouver du réconfort dans le centre. De retour dans leurs villes et villages assiégés, elles passaient le plus clair de leur temps à s’abriter dans des sous-sols froids avec des approvisionnements alimentaires limités. « Elles profitent maintenant de la chaleur, de repas chauds et de l’électricité. C’est une bénédiction pour eux en ce moment », déclare la Dre Kozhukhovska.
Ce que nous faisons à Pavlohrad
Le centre de transit de Pavlohrad fonctionne depuis août 2024, lorsque la ligne de front s’est approchée de Pokrovsk. Plusieurs organisations humanitaires y accueillent les personnes fuyant la région de Donetsk et leur fournissent des services juridiques, médicaux et sociaux. Notre clinique mobile se rend chaque semaine au centre de transit. Les médecins et psychologues de MSF examinent les gens et leur donnent des médicaments au besoin.