Emelin Arana, travailleuse sociale.
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Guatemala : « Nous voulons seulement aller de l’avant »

La traversée du Guatemala est devenue chargée d’insécurité et d’incertitude pour les personnes migrantes. Celles-ci sont de plus en plus souvent confrontées à différentes formes de violence et d’agression, comme l’extorsion ou les menaces. Médecins Sans Frontières (MSF) a renforcé ses actions au cours des deux dernières années pour répondre aux besoins de ces personnes en matière de santé physique et mentale.

« Nous n’avions pas eu de difficultés sur le chemin vers le Guatemala; même si on a tiré sur notre bus, il ne nous est rien arrivé. » Tels sont les mots d’Edinberto, un Colombien de 36 ans qui a décidé de quitter son pays à la recherche d’une vie meilleure pour sa famille. Il raconte l’événement avec une apparente tranquillité, mais il a été témoin de l’attaque d’un bus transportant plusieurs personnes migrantes. Son histoire en est une parmi des centaines d’autres.

Selon les données de l’Institut national des statistiques, en 2023, une augmentation du nombre d’homicides a été observée dans 118 municipalités (34,7 % du total national) par rapport à 2022. Une concentration d’homicides a également été constatée dans le centre du pays et dans les municipalités frontalières avec le Honduras, le Salvador et le Mexique.

Ces deux dernières années, aux points de soins frontaliers de Tecún Umán (San Marcos) et d’Esquipulas (Chiquimula), MSF a relevé les graves conséquences et les besoins des gens en transit au Guatemala.

Pour Edinberto, le voyage a été très dur et épuisant, surtout en raison des extorsions subies : « Les gens de tous les pays savent que nous sommes des personnes migrantes. Ils veulent prendre notre argent n’importe comment, d’une bonne ou d’une mauvaise façon ». Le Guatemala ne fait pas exception.

Davantage de femmes, d’enfants et d’adolescentes en transit sont victimes d’abus

Ces dernières années, MSF a observé un changement dans le profil des personnes migrantes, avec une plus grande présence de mères, de pères et de familles avec des enfants, des adolescents et adolescentes ainsi que des gens âgés qui surmontent d’innombrables difficultés et risques dans leur quête d’un avenir meilleur. Ces risques sont notamment les agressions, les détentions arbitraires et les sanctions économiques inhumaines qui les privent de leur dignité et de leur bien-être.

En 2023, l’organisation a recensé plus de 2 000 personnes survivantes de violences et plus de 3 500 incidents de violences et de violations des droits au Guatemala. Pour 274 personnes, les incidents d’extorsion, de persécution et de violence sexiste basée sur le genre ont été des facteurs déterminants pour quitter leur pays. « Ici, au Guatemala, nous avons vu des gens armés », a déclaré Edinberto. « Les conducteurs de bus se battent sur la route et roulent très vite. »

Ces conditions affectent gravement la santé physique et mentale des personnes migrantes, entraînant stress, dépression, traumatismes psychologiques et deuil en raison des expériences vécues lors du voyage. En outre, les conditions difficiles dans lesquelles ces gens se déplacent provoquent souvent des infections respiratoires, des diarrhées aiguës, des affections cutanées et des maladies gastro-intestinales. Le nombre de cas ne cesse d’augmenter. En 2023 seulement, l’organisation a fourni plus de 12 500 consultations complètes dans les points de service du pays.

Des histoires qui racontent la violence

En plus des services qu’elle offre, MSF a documenté les expériences des personnes migrantes, à la fois dans des récits et par l’écriture de lettres. Dans des extraits de ces lettres, certaines d’entre elles expriment leur vécu et leurs attentes lors de leur passage au Guatemala.

Beaucoup soulignent la nécessité d’une plus grande empathie à leur égard, car elles ne souhaitent que traverser le pays et réaliser leurs rêves. « Si vous désirez migrer, n’amenez pas votre famille », a déclaré Edinberto. « Je demande aux Guatémaltèques d’avoir plus de bienveillance, parce que nous voulons juste aller de l’avant; nous n’allons pas rester dans leur pays. »

Aux points de soins, les équipes de MSF entendent également des histoires de xénophobie, d’extorsion, de menaces et de violence sexuelle. Beaucoup racontent que la traversée du Guatemala a été la partie la plus difficile de leur voyage, soulignant les sévices, les détentions injustes et les sanctions économiques.

Chaque jour, des milliers de gens fuient leur foyer pour se mettre à l’abri, avant d’être confrontés à davantage de violence et d’abus en chemin, une crise qui nécessite une réponse globale. MSF appelle les gouvernements et les autorités des pays de transit à implanter des mécanismes pour mettre fin à la violence et aux agressions le long des routes migratoires. Il faut aussi garantir la protection des personnes migrantes, avec une attention particulière aux enfants et aux femmes qui en constituent une grande partie. Toutes les personnes migrantes ont le droit à une assistance humanitaire.