Les équipes de MSF au Mexique sont déjà témoins de l’impact direct des récentes décisions de l’administration américaine sur le bien-être et la santé mentale de certains des patients et des patientes. Mexique, 2025 © MSF
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Mexique : risques accrus pour les personnes migrantes, à la suite de l’arrêt de la procédure d’asile aux États-Unis

Les récents décrets sur la migration de l’administration américaine plongent des centaines de milliers de personnes, tout au long du corridor migratoire latino-américain, dans une incertitude encore plus grande, alerte Médecins Sans Frontières (MSF). Elles sont ainsi exposées à des risques accrus sur une route déjà marquée par une violence extrême. Les équipes de MSF au Mexique constatent déjà les effets néfastes de ces mesures politiques sur la santé physique et mentale de nombreux patients et patientes.  

« L’application CBP One est l’un des rares outils permettant aux personnes migrantes de demander l’asile aux États-Unis », a déclaré Adriana Palomares, coordonnatrice générale de MSF au Mexique. « Sa suppression est un coup dur porté aux droits des personnes migrantes ou demandeuses d’asile. Cette décision irresponsable aura des répercussions immédiates et à long terme sur la vie d’innombrables individus, compromettant leur santé et leur bien-être. »  

Lancée initialement en 2020 pour simplifier les inspections de cargaisons à la frontière américano-mexicaine, l’application CBP One a été étendue en janvier 2023 afin de faciliter les rendez-vous de demande d’asile pour les personnes migrantes non autorisées fuyant la violence, la pauvreté ou la persécution. En mai 2023, cette application est devenue le seul moyen de demande d’asile aux points d’entrée des États-Unis sous l’administration Biden. Au cours de l’année écoulée, près d’un million de personnes migrantes – soit 1 450 par jour en moyenne – ont utilisé l’application pour obtenir des rendez-vous de vérification.  

Bien qu’imparfaite et limitée, l’application offrait néanmoins un outil essentiel permettant aux personnes demandeuses d’asile d’éviter les routes dangereuses et les périls des réseaux de traite des êtres humains. Sa fermeture brusque laisse donc de nombreuses personnes vulnérables, y compris celles ayant survécu à des situations de violence et de persécution, sans autres options légales ou sûres.  

Les équipes de MSF rapportent que la fermeture de CBP One a déclenché une vague de désespoir et d’anxiété. De nombreuses personnes migrantes avaient déjà investi énormément dans leurs rendez-vous, vendant des biens, quittant des emplois et se séparant de leurs proches pour se préparer à leur voyage vers la frontière. 

« C’est une grande tristesse. Ce processus a été tout sauf facile. Nous avons risqué nos vies et nous avons fait face à des dangers inimaginables avec nos enfants, tout ça pour une chance d’un avenir meilleur pour nos familles. »  

Silvia, migrante vénézuélienne et patiente d’une clinique de MSF 

« Une patiente que nous avons traitée cette semaine a souffert d’une crise d’anxiété aiguë après que son rendez-vous de demande d’asile, qui était prévu début février, a été annulé », a déclaré Ramón Márquez, coordonnateur du Comprehensive Care Center (CAI) de MSF à Mexico. « Nos équipes thérapeutiques intensifient leurs interventions pour soutenir les gens en crise émotionnelle. »  

La fermeture de l’application a laissé les personnes migrantes bloquées dans des zones à haut risque au Mexique, les exposant à la traite d’êtres humains et à d’autres formes de violence. À Coatzacoalcos, Silvia, une migrante vénézuélienne qui voyageait depuis des mois et qui a été prise en charge dans une clinique de MSF, a décrit l’angoisse collective :  

« C’est une grande tristesse. Ce processus a été tout sauf facile. Nous avons risqué nos vies et nous avons fait face à des dangers inimaginables avec nos enfants, tout ça pour une chance d’un avenir meilleur pour nos familles ».  

Son compatriote Mario, également bloqué, a souligné les graves conséquences : « La suspension de CBP One rend les personnes migrantes encore plus vulnérables à l’extorsion, aux mafias et aux enlèvements sur une route déjà dangereuse. »  

Une membre du personnel de MSF apporte son assistance à un migrant dans la ville de La Venta, dans l’État d’Oaxaca. Mexique, 2024 © Adri Salido

« La migration et la demande d’asile sont des droits, pas des crimes. Les gouvernements de la région, y compris les États-Unis et le Mexique, doivent d’urgence mettre en place des politiques migratoires qui privilégient les personnes et leur protection. » 

Adriana Palomares, coordonnatrice générale de MSF au Mexique 

La nature déshumanisante des récentes politiques migratoires a exacerbé la crise. Depuis novembre, les équipes de MSF ont observé une augmentation significative des caravanes de personnes migrantes dans le sud du Mexique, dont beaucoup cherchent à fuir la violence. Cependant, la plupart des caravanes sont dissoutes par les autorités mexicaines avant d’atteindre Mexico.  

Le 21 janvier, MSF a mis en place une clinique mobile à Huixtla pour aider une caravane d’environ 1 500 personnes, la quatorzième en trois mois. Ce phénomène n’est que la partie visible de l’iceberg, cachant le désespoir de centaines de milliers d’autres.  

« Ces politiques déshumanisent et mettent en danger les personnes en déplacement », a souligné Adriana Palomares. « Nous avons vu les effets dévastateurs de programmes comme “Rester au Mexique”, qui sont réintroduits et qui forçaient les personnes demandeuses d’asile à survivre dans des environnements hostiles, sans accès aux services de base. La migration et la demande d’asile sont des droits, pas des crimes. Les gouvernements de la région, y compris les États-Unis et le Mexique, doivent d’urgence mettre en place des politiques migratoires qui privilégient les personnes et leur protection. »  

En 2024 seulement, les équipes de MSF ont assisté plus de 700 personnes qui ont survécu à des violences sexuelles au Mexique et des centaines d’autres en Amérique centrale. Avec le démantèlement de CBP One, les personnes migrantes se retrouvent désormais dans une situation insupportable, prises au piège dans des environnements où règnent la violence et l’exploitation, et privées de leurs droits humains fondamentaux.  

MSF appelle les gouvernements de la région à adopter d’urgence des politiques migratoires humaines qui protègent les droits, la sécurité et la dignité de toutes les personnes en déplacement.