Clinique MSF au camp de Kein Nyin Pyin Pauktaw, État de Rakhine, Myanmar.
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Myanmar : les équipes de MSF font face à des obstacles majeurs dans l’État de Rakhine

En ce mois de juin 2024, Médecins Sans Frontières (MSF) a dû suspendre pour une durée indéterminée ses activités médicales humanitaires dans le nord de l’État de Rakhine. Cette situation est causée par l’escalade extrême du conflit et à l’incendie du bureau de MSF dans le canton de Buthidaung. Bien que MSF ait pu maintenir un niveau minimum d’activités dans certaines localités du centre de Rakhine, nos équipes y sont également confrontées à de graves restrictions d’accès et aux conséquences de conflits violents. Voici quelques-uns de nos principaux défis en matière de soins de santé.

Difficultés d’accès aux gens et de délivrance des soins

Depuis novembre 2023, lorsque le conflit entre l’armée du Myanmar et l’armée de l’Arakan a repris, les équipes de MSF ont rencontré des difficultés majeures pour rejoindre les patients et patientes. Pendant huit mois, MSF n’a pas eu l’autorisation de gérer des cliniques mobiles dans l’État de Rakhine. C’était notamment le cas dans les camps de personnes déplacées du canton de Pauktaw, où MSF est souvent le seul prestataire de soins de santé. Ces camps ne sont accessibles que par bateau, mais avec l’escalade du conflit dans le canton de Pauktaw, nos équipes ne pouvaient plus se déplacer pour fournir des soins. Les gens nécessitant des soins d’urgence ne pouvaient pas non plus se rendre à l’hôpital de Sittwe. Cela représente une difficulté majeure pour ceux souffrant de problèmes de santé chroniques, de besoins urgents et de grossesses compliquées. En juin 2024, MSF a reçu l’autorisation de reprendre sa clinique mobile pendant un mois dans le quartier d’Aung Mingalar, principalement peuplé de Rohingyas, dans le centre de Sittwe. Nos équipes opèrent ici avec une capacité réduite, notamment en raison de fortes contraintes d’approvisionnement. Nos cliniques à Pauktaw et dans d’autres cantons restent inaccessibles pour le moment.

Les restrictions de voyage n’affectent pas seulement MSF, mais aussi d’autres organisations et institutions qui fournissent une assistance et des soins de santé essentiels.

La clinique mobile de MSF ne fonctionne plus dans l’un des cinq camps de Pauktaw où le personnel médical local n’est pas en mesure de réapprovisionner les fournitures médicales, presque épuisées.

MSF n’est plus autorisée à envoyer des médicaments dans les camps de Pauktaw. Le personnel communautaire de MSF a réussi à continuer à donner des services de santé de base, mais cela est difficile, car les fournitures médicales s’épuisent et le personnel médical ne peut pas atteindre les patients et patientes.

Blocage des transferts d’urgence

Avant la reprise du conflit en novembre 2023, lorsque les gens qui vivent dans des camps ou des villages soutenus par MSF avaient besoin de soins hospitaliers secondaires, ils comptaient sur MSF pour assurer les transferts d’urgence. C’était notamment le cas pour la prise en charge des patients et patientes et leur transport vers les hôpitaux secondaires en voiture ou en bateau. Cela n’est plus possible en raison des restrictions de voyage imposées par les autorités, ce qui empêche les gens de recevoir des soins médicaux spécialisés.

Pour les personnes qui tentent de se rendre à l’hôpital par leurs propres moyens, le voyage est semé d’embûches. Ainsi, pour celles vivant à Pauktaw, il est pratiquement impossible d’atteindre Sittwe par la mer. Quant aux services de santé disponibles dans les autres cantons, également touchés par le conflit, ils sont limités et nécessitent souvent un voyage encore plus long.

Il arrive que des personnes meurent en chemin pour se faire soigner. Ou bien elles meurent parce qu’elles ne peuvent même pas tenter le voyage en raison du coût prohibitif et de la difficulté des déplacements. En conséquence, MSF a constaté une tendance alarmante dans les décès maternels et néonatals. En janvier, nos équipes ont signalé le décès d’une mère et de ses jumeaux, ainsi que de deux mères qui ont chacune perdu un bébé, car elles étaient obligées d’accoucher à domicile. En juin dernier, notre personnel a témoigné du décès d’une autre mère qui n’avait pas pu bénéficier de soins prénataux depuis avril. Elle avait peur de quitter le camp de personnes déplacées du canton de Pauktaw à cause des barrages routiers.

Les établissements de soins publics ne fonctionnent plus

Depuis la reprise du conflit, de nombreux membres du personnel médical ont quitté leur emploi dans les établissements de santé publique, principalement pour des raisons de sécurité. Certaines installations ont donc dû fermer complètement leurs portes. Celles qui sont encore ouvertes ont du mal à fonctionner en raison de la pénurie de personnel, de fournitures médicales et de carburant. Les réseaux d’électricité ne fournissent plus de courant à Rakhine, de sorte que les installations dépendent de générateurs. Cependant, le carburant nécessaire pour les faire fonctionner n’est pas facilement disponible à cause de l’interruption ou de l’obstruction des voies d’approvisionnement, ce qui a un impact sur leur capacité à effectuer des actes médicaux.

L’absence de signal téléphonique rend les téléconsultations difficiles

Pour atteindre les patients et patientes, les équipes médicales de MSF proposent des consultations par téléphone ou par SMS. Cependant, cela pose également un problème, car les réseaux téléphoniques sont souvent perturbés, ce qui se traduit par une couverture intermittente et très faible dans de nombreuses régions. Les malades et les bénévoles des communautés doivent fréquemment parcourir de longues distances ou grimper des collines pour tenter d’obtenir un signal téléphonique.

« Les téléconsultations représentent beaucoup pour les gens, car c’est le seul contact qui reste entre la communauté et MSF, lorsque ceux-ci peuvent communiquer avec une infirmière, une chargée de promotion de la santé ou bien un ou une médecin. C’est une forme de soutien à la santé mentale. C’est l’unique moyen pour eux de sentir qu’ils ne sont pas oubliés, que nous sommes toujours présents et qu’ils peuvent compter sur nous. »

Caroline de Cramer, référente médicale de projet